Fouilles dans le bayou

Mais non mais non, sa cheville se porte comme un charme... Sauvage, sale, boueux, le charme, mais elle reste digne. Une mèche boueuse (oui, elle s'est défaite et elle l'a remise avec une main sale, derrière son oreille), lui barre le visage... Pour sûr, la poudre de riz va bien accrocher...
Son tailleur est un peu souillé, ses chaussures - qu'elle a pensé, trop tard, à prendre à la main - pourront peut être être ravivée, mais elle en doute... Ses bas sont foutus. Ils lui enserrent encore le pied, maintenus plus par la boue dans laquelle elle s'était enfoncée que par leurs élastiques.

Oui, la tenue pratique par excellence. Faut dire qu'on lui avait dit "manoir", elle a pensé "tenue correcte"... Encore heureux qu'elle n'ait pas pris de robe de soirée ! Ce tailleur est vieux, de toute manière, elle l'a déjà porté 4 fois. Peut être aussi que son état second l'aide à oublier l'importance de sa mise... Peut être...

Elle le rejoint enfin en courant avec ses bas de boue (nouvelle mode, faut pas chercher). Elle observe un peu les lieux, des traces de pas quelque part ? Une piste ? Une branche cassée ? Un morceau de tissu accroché dans une ronce ?

- Et elles sont où les deux...

Pas le temps de finir sa phrase que Thomas lui passe devant à reculons (jusqu'à tomber à l'eau) et laisse la place à ... à ... à un crocodile, la gueule ouverte, qui ne demande qu'à la croquer elle, plutôt qu'Odile. (chut, il est tard).

En des temps ordinaires, dans un état ordinaire, MEG serait repartie en hurlant, ou serait restée figée sans réaction... Au choix, selon le sang froid dont elle aurait fait preuve à cet instant précis. Mais là, Madame s'est donnée un coup de boost dans le but de s'amuser, avant d'être embrigadée dans les fouilles, ce qui l'a amenée là... Donc Marie-Liz réagit.

Pas un regard pour Thomas, le danger lui fait face sous la forme d'une gueule pleine de crocs. Il faut qu'elle l'enferme, sinon elle n'aura même plus l'occasion de songer à se demander si Thomas a besoin d'aide. Elle lance, sans vraiment viser, ses chaussures aux talons pointus vers l'ouverture béante à crocs acérés, et se met à pousser, pousser (non, elle fait pas caca, même pas pipi sur ses pieds pleins de boue, na ! Elle a pas le temps d'avoir peur, elle n'y pense pas !) pousser, le plus fort qu'elle peut, sur la porte pour tenter de la refermer.

Elle pousse, donc, fort, de ses petits bras musclés, si si ! Et par elle ne sait quel miracle, elle arrive à lui refermer la porte au nez ! Au museau ! Aux dents ! Elle ferme tout simplement la porte jusqu'à ce que la clenche soit à sa place, histoire d'être sûre que la bestiole ne ressorte pas. Pas de doigts, pas de bras au goûter.

- DANS TON CUL LE CROCO !

Parfois, et c'est rare, elle se lâche. Pas bien longtemps, Thomas n'est pas oublié. Elle se précipite vers le ponton pour voir si elle peut l'aider à remonter, s'il n'est pas trop tard, si...

Il est vivant. Marie-Liz se redresse, anxieuse, elle suit les mouvements de Thomas pour s'extraire de l'eau. Plus anxieuse encore, elle scrute ladite eau à la recherche du moindre mouvement qui pourrait être trop proche du fils Ashford. Si cela était, elle ne pourrait rien faire sinon hurler, mais elle ne peut s'empêcher d'observer attentivement. Ce n'est qu'une fois qu'il l'a rejointe qu'elle se permet de respirer correctement. Marie-Liz est une littéraire, les aventures, elle les vit dans les livres, pas en vrai !

Jouer au petit poucet ? Pour se débarrasser d'un Marshall envahissant, c'est presque tentant... Le souci étant de se débarrasser de la bête ensuite... Tant pis, elle fera avec Marshall. Elle suit les découvertes attentivement, récupère, si elle les retrouve, ses chaussures (sinon, puisse le croco s'étouffer avec !)

- Donc en gros, si j'ai bien tout lu Freud (qui n'a rien à voir dans l'histoire, soit dit en passant), il y a une, ou plusieurs, personne qui nous foutrait dans la merde ?

Lorsqu'il s'assied, elle fronce les sourcils. Est ce que c'est ce qu'elle a sniffé qui lui fait pousser des couilles ? Elle n'en sait rien, elle s'en fout un peu, mais elle n'est pas encore redescendue et ne se laisse pas abattre. Thomas a plus de raison qu'elle de s'inquiéter et de laisser la pression retomber. Elle lui pose la main sur l'épaule, la serrant fort.

- C'est pas le moment, Thomas. Absolument pas le moment, à moins que t'aies envie de faire connaissance avec d'autres copains à écailles et à grandes dents. Lève toi ! Est-ce que tu as des fusils dans la maison ? De quoi faire des recherches en étant "safe" ? Allez, debout... C'est pas en restant comme ça que t'auras tes réponses... Je ne te lâcherai pas.

Elle lui tend la main, la bourgeoise. Bourgeoise qui ne ressemble plus à grand chose, au passage. Tailleur Chanel qu'a l'air tout droit sorti d'une poubelle, terre dans les cheveux et sur le visage, les mains de même... Quant aux jambes... Bref, elle ne ressemble plus à grand chose. Son sac lui même fait la tronche. À vrai dire, pour la première fois depuis qu'elle est arrivée aux USA, elle s'en fiche.

- Ce... taré... Tu crois qu'on l'a amené avec nous ?

C'est sorti tout seul. Elle frissonne. Parfois, vaut mieux se taire, MEG, tu le sais, pourtant...

Il réagit et se lève enfin. Elle préfère le voir ainsi, en battant, plutôt qu'en lavette, prêt à chialer. Elle lui emboite le pas, cale ses chaussures dans son sac, elle n'est plus à un peu de saleté près.

- On va tout faire pour la retrouver, ta soeur. T'es pas seul, ne l'oublie pas.

Elle n'en dit pas plus. Faut dire qu'elle ne connait que très peu Clara et n'a pas connu Marion. Elle aurait dû la connaitre, avait lu quelques petites phrases sur la famille Ashford dans les courriers qu'ils s'échangeaient, mais rien de bien marquant. Il travaillait son français, elle lui répondait en anglais. Correspondance classique.

Lutz parait seul. Mauvaise idée, c'est évident. MEG n'en cause pas. C'est sans doute moins risqué pour un sportif comme lui que pour quelqu'un comme elle, de se promener seul. Sécurité en acier... Ok... Mais...

- On n'a pas un champion de l'effraction dans le coin ? Du genre capable d'ouvrir les serrures avec une épingle à cheveux ?

Elle lit beaucoup, et elle a vu beaucoup de films, MEG... Ouais... Mais bon... Ce n'est que Thomas, ils se connaissent assez pour qu'elle puisse dire quelques bêtises. Elle profite de la vue, se disant que, quand même, même s'ils sont des veaux pour la plupart, les américains, pour certains, sont physiquement intelligents... Pensée fugitive qui lui fait songer à se changer aussi.

- J'ai pas vraiment prévu de tenue adaptée... T'aurais pas un T-shirt et un short, enfin, quelque chose qui me coûtera pas un bras en pressing ?

Oui, Marie-Liz pense toujours aux choses indispensables.

- Et... Euh... Faut pas qu'on se sépare, hein. Déjà, tu partiras pas seul, c'est hors de question. On sait pas ce qu'il peut se passer... Et surtout... T'as vu ce qu'a préparé le taré avec les crocos ? Quelqu'un a prévu des saloperies. On risque de tomber sur d'autres coups fourrés... Une voiture, ça se piège... Et il n'y a pas de ligne de téléphone fixe, ici ?

Les gens sont trop habitués aux cellulaires... En France, dans le manoir de campagne, ils ne captent pas, mais, comme les maisons de quasiment tous les péquins du pays, ils sont reliés sur le réseau fixe.

- On va plutôt chercher le fusil restant... Et fouiller. En groupe.

- Je vais t'emprunter un T-shirt, déjà... On verra plus tard pour le reste.

Ni une ni deux, elle prend le vêtement dans le sac de Thomas, lui tourne le dos et tombe la veste et le chemisier. Sous-tif pure dentelle de Venise, faite main, bien entendu. Marie-Liz enfile le T-shirt. Moins de boue et libre de ses mouvements, du moins pour les bras. Elle garde ses bas de boue et sa jupe qui ne craint plus rien, laisse ses vêtements sales au sol... Ni le temps, ni l'envie de vérifier les dégats. Son sac revient sur son épaule, avec ses chaussures et sa bombe au poivre, entre autres.

- Non non, pour le coup, je n'accusais personne d'entre nous d'avoir forcé le tiroir, je me demandais si on n'aurait pas quelqu'un capable d'ouvrir le râtelier, pour prendre les fusils... Genre, Marshall, c'est pas cette sorte de personnes ?

Rappeur = Racaille = Voleur... Elle avait déjà pu constater les deux premiers points, le troisième coulait de source, non ?

- Va pour le grenier. Mais tu ne reparles plus de partir seul, d'accord ? Parce qu'en plus... Si tu pars, je me retrouve seule, alors...

Léger sourire, à peine, plus pour s'excuser d'être un potentiel boulet (mais pas trop quand même, elle a enfermé le croco !) que par gaité de coeur. Rien n'est gai en cette journée.

S'il y a une chose qui est certaine, c'est que Thomas a une mémoire de merde. Disons les choses clairement. Il se souvient que des choses existent, mais ne sait plus où elles se trouvent. Le fusil calibre 12 ? Ne sait pas... La tronçonneuse ? Ne sait plus... La trappe pour gagner le grenier ? Ne sait plus...

Ce qui fait que les voilà tous deux dans la partie est de la maison. La partie abandonnée du manoir, quoi, l'endroit où il ne devrait y avoir aucune trace de vie, si ce n'est celles des araignées. Des souris, éventuellement, occupées à défoncer l'intérieur de canapés cramés et moisis... Rien que du classique, au fond, pour une maison hantée. Ah ? N'est pas hantés celle là ?

Elle s'approche des traces de pas et les observe, fronce les sourcils, même si ça n'est pas bon pour les rides d'expression... Elle n'est plus à ça près.

- Soit ma théorie sur le fait qu'ils soient plusieurs se tient... Soit du monde est allé fouillé par ici à la recherche de ta frangine... Soit c'est ta frangine et elle n'était pas seule... T'arrives à suivre d'où ça vient ?

MEG se prend pour une grande enquêtrice, ou se croit douée d'un grand sens de la déduction, puisqu'elle ajoute encore quelque chose.

- Les traces sont plutôt nettes, non ? Donc une démarche calme et appuyée, pas une course effrénée...

Elle parle plus bas quand même, un réflexe, ou l'instinct de survie, peut être. Marie-Liz sort sa bombe au poivre, on ne sait jamais.

- On les suit ? On cherche d'où elles viennent ? Ou on laisse tomber et on s'y intéressera plus tard ?

Les traces l'interpellent autant que le fils Ashford. Elle fait comme lui, les étudie malgré ses connaissances toute littéraire de la criminologie. MEG continue à parler bas.

- Tr... Trainé quelque chose de lourd ? Tu penses à... ?

Elle n'arrive pas à terminer sa phrase, et si c'était Clara ? Le fait qu'il y ait deux personnes ici, deux personnes qui squattent, visiblement deux hommes, puisqu'ayant les pieds plus grands que ceux de Thomas... Ce n'est pas normal.

- La cave. Discrets, hein... Je veux savoir ce qu'ils ont amené.

Qui ils ont trainé, oui... Mais elle ne le dira pas, Thomas est déjà assez stressé comme ça. Et puis, si ça se trouve, c'est juste une bande de tarés qu'a décidé de faire sauter la bâtisse, allez savoir... Juste une bombe en cours de fabrication, quoi. Ou même un coup du père pour toucher l'assurance et tout reconstruire à moindre frais... Elle empoigne fermement sa bombe au poivre, se dit qu'elle ne serait pas contre la présence de Marshall avec eux, au final, qu'à défaut d'être sympathique, il pourrait servir de bouclier, si besoin.

Question stress, ils sont deux (au moins). Marie-Liz suit d'assez près le jeune Ashford, et reste silencieuse. Elle aussi, elle va... elle va... Elle va elle sait pas trop quoi, mais elle va ! Si si !

Quand lui il braque sa lampe en donnant un ultimatum, elle n'attend pas de réponse et passe à côté de Thomas pour attaquer direct d'un coup de... bombe au poivre. Hors de question de laisser une chance à l'ennemi de leur tomber dessus ! L'heure n'est pas à la discussion !